Après la chute du gouvernement français dirigé par Michel Barnier, François Bayrou a été nommé Premier ministre ce vendredi 13 décembre 2024, dans un climat politique explosif. À 73 ans, le président du MoDem, un habitué de l’équilibrisme politique, est désormais chargé de piloter un gouvernement dans une France plongée dans une impasse institutionnelle.
Réconciliation et compromis : la ligne de conduite de François Bayrou
Lors de la cérémonie de passation de pouvoir, François Bayrou a mis en avant une ligne de conduite claire : « Ma mission sera de ne rien cacher, de ne rien négliger et de ne rien laisser de côté ». Il a insisté sur la nécessité de réconcilier les forces politiques du pays pour sortir de la crise. Pour lui, cette réconciliation est « le seul chemin possible vers le succès ». Une démarche d’apaisement et de rassemblement qui pourrait être cruciale pour un pays profondément divisé.
Le président Emmanuel Macron a désigné Bayrou pour former un « gouvernement d’intérêt général », un exécutif capable de rallier des opposants modérés tout en évitant les motions de censure qui ont précipité la chute du précédent gouvernement. Mais la mission s’annonce difficile : pris entre une gauche déterminée à s’opposer et un Rassemblement national (RN) qu’il devra apprivoiser, François Bayrou devra naviguer dans un Parlement fracturé, avec trois grands blocs politiques rivaux.
L’opposition au gouvernement Bayrou : un défi majeur
La nomination de François Bayrou n’a pas tardé à susciter des réactions vives parmi les oppositions. Pour La France Insoumise (LFI), cette nomination est perçue comme une provocation. Mathilde Panot, présidente du groupe LFI, a d’ores et déjà annoncé la couleur : « Deux choix s’offriront aux députés : soutenir le sauvetage de Macron ou la censure. Nous avons fait le nôtre ».
Les partis de gauche, notamment les socialistes, les écologistes et les communistes, ont également réaffirmé leur refus de participer à un gouvernement dirigé par le leader du MoDem, bien qu’ils ne privilégient pas une censure systématique.
De son côté, le président du Rassemblement National, Jordan Bardella, a adopté une position plus nuancée. Il a souligné que « la balle est désormais dans les mains de François Bayrou », appelant ce dernier à prendre en compte la « nouvelle donne politique » dans ses décisions.
Un homme de compromis, mais un style critiqué
François Bayrou, figure bien connue du paysage politique français, est souvent perçu comme un homme du compromis. Député, ministre, maire de Pau depuis 2014, il incarne l’idée d’une politique de dépassement des clivages gauche-droite. Sa carrière politique a été marquée par des appels à la modération et au dialogue, qu’il a défendus notamment lors de sa candidature à la présidentielle de 2007, où il avait incarné le rôle du « troisième homme ». Il est également devenu un allié stratégique d’Emmanuel Macron en 2017, contribuant à l’essor du mouvement La République En Marche.
Cependant, son approche n’est pas sans détracteurs. Jean-Michel Blanquer, ancien ministre, l’a critiqué dans un ouvrage en le qualifiant de « génial inventeur du volontarisme d’atmosphère », une critique qui souligne le manque de réalisations concrètes perçues par certains. François Bayrou, quant à lui, défend une vision « horizontale » du pouvoir, convaincu que « l’on ne gouverne pas contre le peuple ».
Une tâche ardue entre réformes et équilibres politiques
François Bayrou devra jongler avec une multitude de défis, à commencer par l’équilibre budgétaire. La France fait face à un déficit important et une dette publique en constante augmentation. Alors que la pression des marchés financiers est élevée, il lui faudra également répondre aux attentes de réformes sociales et économiques, dans un contexte de fractures sociales croissantes.
Son style conciliateur, bien que parfois critiqué pour sa lenteur ou son manque de tranchant, pourrait se révéler précieux dans cette période de tensions politiques. Toutefois, son parrainage de Marine Le Pen en 2022, au nom du pluralisme, continue de laisser des traces, notamment au sein de la gauche. Cette ambiguïté pourrait compliquer son rôle de rassembleur.
En prenant les rênes de Matignon, François Bayrou s’engage dans une mission de stabilisation du pays, à un moment où l’art du compromis est plus que jamais une nécessité. Reste à savoir si son approche pourra surmonter les divisions actuelles. Mais, comme il le rappelle souvent, « certains n’aiment pas ça. Moi, j’aime ça ». Ce goût pour l’équilibrisme sera-t-il suffisant pour apaiser les tensions et réformer le pays sans fracture ? Seul l’avenir le dira.