La physique quantique n’est plus confinée aux laboratoires : elle prépare aujourd’hui une transformation profonde des communications et du calcul. À la croisée de la recherche fondamentale et de l’innovation industrielle, Eleni Diamanti incarne cette révolution. Spécialiste de l’information quantique, elle fait de la lumière un vecteur stratégique pour sécuriser les échanges numériques de demain.
Et si les photons devenaient les piliers d’un nouvel Internet, inviolable et ultra-rapide ? C’est la vision qui anime Eleni Diamanti, directrice de recherche au CNRS, au sein du Laboratoire d’informatique de Sorbonne Université (LIP6). Depuis plusieurs années, elle consacre ses travaux à la communication quantique, un domaine en pleine expansion à l’interface de la physique, de l’ingénierie et de la cybersécurité. Grâce aux propriétés uniques de la lumière, elle conçoit des protocoles qui permettront, à terme, d’échanger des données de façon totalement sécurisée, même face aux puissances de calcul des futurs ordinateurs quantiques.
Au cœur de ses recherches figure l’utilisation des photons comme porteurs d’information quantique. Contrairement aux bits classiques, qui ne peuvent prendre que deux valeurs (0 ou 1), les qubits peuvent exister dans une superposition d’états. Cette particularité rend la transmission d’informations plus riche, mais aussi plus vulnérable en cas d’interception. Pour y remédier, Eleni Diamanti développe des protocoles cryptographiques quantiques permettant un échange de clés inviolable. En particulier, ses travaux portent sur la distribution quantique de clés (QKD), une technologie de plus en plus considérée comme incontournable face aux menaces que feront peser les ordinateurs quantiques sur les systèmes de chiffrement traditionnels.
Dans les laboratoires du LIP6, elle pilote des expérimentations concrètes. Avec son équipe, elle met au point des bancs optiques qui testent la fiabilité et la portée des communications quantiques dans des environnements réalistes. Ces recherches ont permis d’ouvrir la voie à des infrastructures sécurisées de transmission d’informations à longue distance, reposant sur la distribution de photons uniques et la manipulation de la lumière à l’échelle quantique.
Mais la chercheuse ne se contente pas de rester dans le cadre académique. Convaincue que les découvertes fondamentales doivent nourrir l’innovation, elle a cofondé en 2022 la start-up française Welinq, spécialisée dans les mémoires quantiques. Ces dispositifs, qui permettent de stocker et relayer de l’information quantique, jouent un rôle essentiel dans le développement de futurs réseaux quantiques interconnectés. Welinq ambitionne ainsi de connecter plusieurs processeurs quantiques entre eux afin de créer un système de calcul distribué, capable de dépasser les limitations de puissance des machines isolées.
Cette capacité à faire le lien entre science de pointe et applications concrètes vaut à Eleni Diamanti de nombreux partenariats industriels. Elle collabore avec des acteurs majeurs de la technologie et des télécommunications comme Airbus, Orange, Thales ou Deutsche Telekom, mais aussi avec des institutions de haut niveau telles que l’Agence spatiale européenne (ESA) et l’ONERA, l’organisme français dédié à la recherche aérospatiale. Ces alliances témoignent d’un intérêt croissant pour les technologies quantiques, autrefois considérées comme confidentielles et aujourd’hui perçues comme stratégiques au niveau international.
Eleni Diamanti dirige également le Paris Centre for Quantum Technologies, une structure collaborative qui fédère vingt-trois laboratoires de la région parisienne autour de la recherche quantique. L’objectif est clair : créer un écosystème cohérent, innovant et compétitif pour accélérer la transition vers des solutions quantiques à grande échelle. Ce travail de coordination contribue aussi à la formation de nouvelles générations de chercheurs et d’ingénieurs capables de porter la révolution quantique sur le terrain.
La chercheuse observe avec satisfaction l’évolution de son domaine. Longtemps réservé à une poignée de spécialistes, l’univers de la communication quantique est aujourd’hui en plein essor. L’intérêt croissant des États et des grandes entreprises témoigne de la reconnaissance des enjeux stratégiques associés à ces technologies. Que ce soit pour sécuriser des communications gouvernementales, protéger des infrastructures critiques ou développer une industrie numérique souveraine, les applications sont multiples et déterminantes.
Cette reconnaissance se traduit également par des distinctions académiques. En 2025, Eleni Diamanti s’est vu décerner la médaille d’argent du CNRS, l’une des plus hautes récompenses scientifiques en France. Ce prix vient saluer non seulement la qualité de ses recherches, mais aussi sa capacité à faire dialoguer la science avec l’innovation industrielle, dans un contexte global où la souveraineté numérique devient un enjeu politique de premier plan.
Face aux défis posés par la montée en puissance des ordinateurs quantiques, la cybersécurité vit une mutation profonde. Les solutions d’aujourd’hui, basées sur le chiffrement classique, pourraient être rendues obsolètes dans un avenir proche. La cryptographie quantique, portée par des chercheuses comme Eleni Diamanti, offre une alternative crédible et durable. À condition de réussir la transition technologique, de développer des réseaux robustes, et d’assurer leur interopérabilité à l’échelle mondiale.
La lumière, outil fondamental de la physique, devient ici un vecteur d’avenir. Grâce aux travaux pionniers d’Eleni Diamanti, elle éclaire un futur où nos données circuleront non seulement plus vite, mais surtout de manière plus sûre. Un avenir que la science rend chaque jour un peu plus concret.